La Maladie de la famille M. – Article/le Temps -21 juillet

Théâtremardi 21 juillet 2015

Le langage, reflet du drame

En vitrine, Claude Thébert joue le père, Céline Nidegger la fille amère. Les répliques fusent, s’emballent, puis cessent subitement. (Marc Vanappelghem)

Andrea Novicov monte «La Maladie de la famille M.», au Théâtre de l’Orangerie, à Genève. Et montre à travers un langage syncopé les dysfonctionnements du clan

Une parole tantôt précipitée, affolée. Tantôt stoppée net, hébétée. Andrea Novicov a choisi cette alternance de débit entre le trop et le pas assez pour raconter La maladie de la famille M. au Théâtre de l’Orangerie, à Genève. Le chaos des mots dans une maisonnée, un père âgé et ses trois enfants, qui se chamaillent sans cesse faute d’un vrai projet. Le choix, judicieux, produit une musique de l’agacement qui reflète parfaitement les effets de la frustration sur ce clan.

Lorsque Fausto Paravidino a créé cette pièce en français en 2011, il a proposé une mise en scène naturaliste. C’est que, selon cet auteur italien âgé de 39 ans, le théâtre doit être «petit, délicat, révélateur de l’âme humaine». Amateur de formes innovantes, Andrea Novicov pense autrement. Pour lui, le théâtre n’est passionnant que s’il se mélange avec d’autres expressions, comme les arts plastiques, le cinéma ou la danse. (LT du 13.07.2015)

A l’Orangerie, il n’y a ni danse, ni cinéma. Mais une vitrine qui emprunte aux arts plastiques. Au milieu d’une scène recouverte de neige, la maison de toutes les tensions est figurée par quatre montants métalliques dressés aux extrémités d’un plateau cubique. Au centre, Claude Thébert incarne un père décomplexé et plutôt réjoui dans sa rumination grabataire. A ses côtés, Marta (Céline Nidegger), nettement moins légère, croise le fer. Avec son père, mais aussi avec sa sœur (Aline Papin) et son frère (Pierre-Antoine Dubey). Au micro souvent, polluées par des klaxons stridents et des sonneries de téléphone (Andrès Garcia, au son), les répliques fusent, mordent, puis cessent subitement. Comme si les protagonistes réalisaient tout à coup la vanité de toute parole…

Les fiancés ne sont pas atteints par ces crises de lucidité. Fulvio (Bastien Semenzato) et Fabrizio (Ludovic Chazaud) aiment Maria, et leurs assauts anarchiques, leur besoin irrépressible de s’exprimer, provoquent un épisode digne de Feydeau. Etrange incise dans cette chronique familiale engluée dans la tristesse et la banalité. Novicov s’en inspire. Avec lui, le drame est signalé par le langage syncopé, il n’est pas vécu au premier degré. Le spectacle gagne en légèreté.

La Maladie de la famille M., jusqu’au 25 juillet, Théâtre de l’Orangerie, Genève.
Tél. 022 700 93 63. www.theatreorangerie.ch